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     Dario Argento

des chefs-d'oeuvre et des daubes

Dario Argento fait partie de ces réalisateurs qui, à l’instar de Tim Burton, ont réalisé plusieurs chefs-d’œuvre avant de réaliser une ribambelle de films décevants, et parfois des navets. Pour notre bien à tous, on ne s’intéressera ici qu’aux bons films du réalisateur.

 

Dario Argento est né à Rome en 1940. Fils du producteur Salvatore Argento, il grandit dans un milieu passionné par le cinéma. Il devient d’abord critique puis scénariste, ses contributions les plus notables étant sans doute sa participation à l’écriture du scénario d’Il était une fois dans l’Ouest, de Sergio Leone, et de Zombie, de Romero en 1978. Au début de sa carrière de réalisateur, il se concentre sur le genre du giallo, et réalise au début des années 70 deux thrillers horrifiques, L’oiseau au plumage de cristal et Le chat à neuf queues, dans lequel on retrouve plusieurs influences hitchockiennes. Ces deux films n’ont pas très bien vieilli mais conservent tout de même un certain charme visuel, porté par la musique du grand Ennio Morricone.

Le troisième volet de cette « trilogie animalière Â» d’Argento, Quatre mouches de velours gris, confirme le goût du réalisateurs pour les plans très rapprochés et improbables, comme ce plan au début du film, filmé depuis l’intérieur d’une guitare acoustique. Dario Argento nous pond avec 4 mouches de velours gris un giallo haletant porté par une musique sublime, du suspens, de l'humour. Ce film est un véritable choc visuel, on s'en prend plein la vue, avec des prises de vue très inattendues. Les cauchemars du héros font croître l'angoisse du spectateur au fur et à mesure du film, jusqu'à l'apogée finale. D'ailleurs, la dernière scène est visuellement grandiose, la succession des plans au ralenti et leur coordination avec la musique tient du divin (rien que pour ces dernières images, ce film vaut largement le coup d'être vu).

Après un film historique (Cinq jours à Milan) démoli par la critique en 1973, Argento revient à ses premières amours, et réalise Les frissons de l’angoisse, souvent considéré comme le meilleur giallo jamais réalisé. Dario Argento poursuit sa lancée et réalise trois chefs d’œuvre : il s’intéresse à la fin des années 70 aux genres du fantastique et de l’horreur, avec tout d’abord la trilogie surnaturelle sur les Trois Mère initiée par Suspiria, réalisé en 1977.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Si vous ne supportez pas le charme kitsch des effets spéciaux des années 70, passez votre chemin.
Suspiria est une sorte de Walt Disney pour adultes: les yeux qui terrifient Blanche-Neige dans la forêt deviennent des chuchotements oppressants, le labyrinthe d'Alice au pays des Merveilles prend la forme d'une école de danse ornée de nombreux symboles ésotériques.
Certains éléments peuvent toutefois déstabiliser. En effet, tout est poussé à son paroxysme: les couleurs sont criardes, la musique entêtante et angoissante des Goblins est parfois jouée si fort qu'elle devient un leitmotiv insupportable, l'apogée du film en matière d'angoisse et d'horreur survient dans les premières minutes... Les élèves de l'école paraissent très naïves pour leur âge (et c'est normal, dans le script original, elles n'ont qu'une dizaine d'années mais Dario Argento s'est vu refuser d'engager des actrices aussi jeunes). Naïveté que Suzy Banner, l'héroïne du film, perd lors de sa quête des sorcières, qui devient une sorte de rite initiatique vers une renaissance à l'âge adulte.

S’ensuit le deuxième opus de la trilogie des trois mères, Inferno (1980), puis le giallo/slasher Ténèbres (1982), qui reçut un très mauvais accueil de la part de la critique mais est aujourd’hui considéré comme le dernier vrai chef-d’œuvre du réalisateur (bien que son Phenomena sorti en 1985 vaille le coup d’œil). On s’arrêtera donc à ce dernier film, et on tâchera d’oublier les daubes qu’il a réalisées par la suite, notamment le ridicule La troisième mère (2007), dernier volet de la trilogie initiée par Suspiria, et le ô combien ignoble Dracula 3D (2012).

 

Depuis Suspiria (1977) jusqu’à Phenomena (1985), les films de Dario Argento se révèlent passionnants, psychédéliques, comme des visions sauvages et hallucinées d’un réalisateur sous diverses influences : drogue, occultisme, ésotérisme, rock progressif (le groupe italien Goblin  composé les musiques de pas moins de quatre films de Dario Argento). Malgré son passé de scénariste, Dario Argento semble accorder bien plus d’importance au visuel dans ses films, notamment dans ses films d’horreur/fantastiques. Ce sont des films très baroques, avec des compositions visuelles souvent lourdes et bariolées de couleurs si flash qu’elles en deviennent presque agressives, avec les contrastes lumineux souvent poussés à leur maximum, comme dans Suspiria, ce qui donne une atmosphère souvent surréaliste aux films d’Argento. La violence est elle aussi paroxystique, avec des meurtres tellement trash qu’ils en deviennent presque guignolesques. Certains acteurs sont souvent dans le surjeu. En cela, les films fantastiques-horrifiques du réalisateur suivent la logique des cauchemars.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Si l’on fait un bref bilan : les films de Dario Argento sont donc très colorés, très exagérés, avec une réalisation qui ne semble pas toujours maîtrisée, des musiques parfois discordantes et agressives, des acteurs qui surjouent… « Tout est bon quand il est excessif », écrivait le Marquis de Sade dans la Nouvelle Justine… Certes, mais les composantes des films d’Argento semblent alors être les mêmes que celles nécessaires à la réalisation d’un nanar. Quel plaisir peut-on alors tirer lors du visionnage d’un de ces films ?

 

Les films d’Argento ont quelque chose de très pur. En effet, les éléments précédemment évoqués sont parfaitement dosés, et il s’en dégage une harmonie chaotique et fascinante. Les films d’Argento ne sont pas que des objets étranges que l’on regarderait à travers une vitrine, ce sont, comme les films de Jodorowsky, des expériences sensorielles.

 

 

 

Mathilde Bert

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