Pulp Vision
L'association des cinéphiles de Neoma Business School Rouen
Deux films d'animation à (re)découvrir
Avant de commencer, je tiens à préciser que cet article ne sera pas une justification d’une opinion malheureusement trop répandue, le fameux « c’était mieux avant ». Seulement, à l’heure où le box-office est dominé par les films en images de synthèses des studios Disney, Pixar, DreamWorks, Illuminations etc., j’ai été prise d’une soudaine envie d’authentique, de vrai… En somme, pas seulement d’un travail d’artistes, mais d’un travail d’artisan, avec des dessins, de la matière vivante. Après avoir revu quelques classiques Disney et des films d’animation des Studio Aardman, j’ai finalement entrepris de revoir Les triplettes de Belleville, un dessin animé sorti en 2003, et Mary et Max, un film d’animation en stop-motion sorti en 2009.
Les triplettes de Belleville
Les triplettes de Belleville est un film réalisé par Sylvain Chomet (qui a par ailleurs réalisé le clip de Carmen pour Stromae). Ce dessin animé a reçu plusieurs nominations en 2004, notamment celle au César du meilleur film français, et celle de l’oscar du meilleur film d’animation.
Pour le synopsis : Madame Souza vit dans une maison de campagne isolée, avec son chien et son petit-fils passionné de cyclisme. Un jour, celui-ci est enlevé par des mafieux sur le Tour de France. Madame Souza part donc à sa recherche, qui la conduit jusqu’à New-York. Dans ce nouveau monde hostile, elle se lie d’amitié avec les Triplettes de Belleville, anciennement vedettes de music-hall, qui vont l’aider à retrouver la trace de son petit-fils. Il est intéressant de comparer le monde initial des personnages, -une France rurale qui subit les ravages de l’urbanisation-, et le monde de New-York, -effrayant et oppressant de par sa jungle urbaine pour le moins imposante-.
Verdict ? Wouah. Un film qui tranche avec tout ce qu'on a l'habitude de voir dans le cinéma d'animation et qui emmerde le conformisme des pâles copies de Walt Disney. La quasi-inexistence des dialogues n'entrave en rien la compréhension de l'histoire, soutenue par des dessins particuliers (authentiques ? sublimes ? laids ?). Des situations qui frôlent l’absurde, une belle brochette de héros, de l'émotion... en somme, un excellent moment de cinéma, que vous pouvez aisément trouver sur Youtube, si le cœur vous en dit.
Mary et Max
Mary et Max raconte l’histoire d’une amitié épistolaire entre Mary Dinkle, une petite fille australienne solitaire et délaissée par sa mère alcoolique, et Max Horowitz, un New-Yorkais juif atteint du syndrome d’Asperger.
Il est souvent déstabilisant de regarder un film d'animation porté par un humour aussi intelligent et dramatique que celui de Mary et Max.
On sourit devant les petites anecdotes relatées par Mary ou Max, et devant les situations loufoques que subissent les deux héros, chacun exclu de leur société. On est rapidement attendri par l'amitié qui s'installe entre eux, malgré la différence d'âge et les kilomètres qui les séparent. L'humour très "adulte" et la poésie omniprésente de ce film invitent le spectateur à réfléchir sur des sujets graves (l'exclusion, le handicap, la vieillesse, l'alcoolisme, la pollution, l'antisémitisme, la représentation du sexe dans nos sociétés...). Le narrateur, extérieur à l'histoire, s'exprime de manière objective mais rentre dans la subjectivité des personnages (son texte se rapproche du discours indirect libre qu'on trouve dans le roman), ce qui contribue à accroître notre empathie envers eux.
L'esthétique du film est magnifique: la différence de couleur entre les deux univers des personnages (la campagne australienne est dans les tons marron/sépia, la ville de New-York est grise et noire) témoigne de leurs différences, finalement bien minces pour construire une solide amitié. La stop-motion exige une minutie infime et nécessite une extrême rigueur (la seule réalisation de la machine à écrire de Max a demandé plusieurs semaines de travail). La stop-motion permet en outre de réaliser des effets d’ombre et de lumière très naturels. Très émouvant, ce film inspiré d'une histoire vraie est une véritable petite pépite.
Pourquoi parler de ces deux films dans un seul et même article ? En grande partie parce qu'ils traitent de plusieurs sujets communs, notamment la rupture entre deux mondes (le monde rural et le monde New-Yorkais) et la solitude. Et surtout parce que, malgré le traitement de sujets graves et le recours à un humour souvent cynique, ces deux films camouflent tout de même un optimisme sous-jacent. Chacun de ces films exprime à sa manière la beauté et la force des relations humaines.
Mathilde Bert